Enjeux climatiques : comment et pourquoi les investissements immobiliers sont impactés ?

L’année 2022 aura été marquée par le nouveau rapport du GIEC ainsi que par la COP 27 de Charm-el-Cheikh qui vient de s’achever. Au-delà de ces grands événements, c’est également une année marquée par de nombreuses catastrophes climatiques. Le baromètre de l’ADEME 2022 indique que 1 Français sur 2 déclare avoir subi les conséquences du réchauffement climatique. (1

  • 72% des Français considèrent que « les conditions de vie deviendront extrêmement pénibles d’ici une cinquantaine d’années »,
  • 62% d’entre eux considèrent qu’« il faudra modifier de façon importante nos modes de vie » (+5pts par rapport à 2021).

La durabilité au coeur de l’épargne financière et immobilière

Depuis la 21ème conférence des Nations Unies pour le climat qui s’est tenue à Paris en 2015 (appelée également « Cop21 »), le gouvernement français a pris des mesures pour aligner son économie à la trajectoire bas carbone

L’épargne des ménages est un des outils qui contribue très concrètement à œuvrer contre les changements climatiques. Elle peut prendre plusieurs noms tels que la finance verte, l’investissement socialement responsable voir même l’investissement à impact.  

La finance durable porte des enjeux à la fois environnementaux et sociaux. Elle prend en considération le réchauffement climatique et les convictions sociales des acteurs économiques, tout en recherchant la performance financière. En 2021, les encours de la gestion en Investissement Responsable en France étaient de 2 108,1 milliards d’euros (2).  Soit plus de la moitié des encours globaux sous gestion en France.

Placer son épargne sur des supports responsables permet de soutenir les entreprises, leurs produits et leurs services qui intègrent les fameux critères ESG : Environnementaux, Sociétaux et de Gouvernance. Et lorsque ces entreprises partagent leur raison d’être, leurs objectifs ou leurs indicateurs extra-financiers, elles permettent à leurs parties prenantes (clients, fournisseurs, investisseurs, financeurs, etc.) de mesurer leur alignement avec les ambitions climatiques.

De la COP 21 aux enjeux de la rénovation immobilière aujourd’hui

1. Actualité et contexte : rappel des événements mondiaux et nationaux clés

1.1 COP 21 et les Accords de Paris

L’Accord de Paris adopté en 2015 à la suite de la COP 21 est le premier accord universel sur le climat

Tous les pays ayant signé cet accord (194 pays au total) se sont engagés à réduire leurs émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). L’objectif principal est de maintenir le réchauffement climatique sous le seuil de 2°C – voire 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. (3)

Selon les experts de l’ONU, les émissions mondiales de GES doivent baisser de 45% d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2010, pour espérer tenir cet objectif. Ainsi, chaque dixième de degré compte et chaque kg de CO2 émit compte. (4)

1.2 La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC)

La SNBC est l’application opérationnelle de la COP21 sur l’activité française. Elle porte 2 grandes ambitions pour lutter contre le changement climatique

  • Atteindre la neutralité carbone en France à l’horizon 2050,
  • Réduire l’empreinte carbone de la consommation des Français.

Ainsi, la SNBC fixe des objectifs à court / moyen termes et fournit, à tous les secteurs d’activité, y compris le secteur immobilier, les orientations à suivre pour mettre en œuvre la transition vers une économie bas carbone, circulaire et durable. (5)

2. Flécher l’épargne vers les projets durables

2.1 Focus sur l’épargne financière 

Nous l’avons vu plus haut : l’épargne privée est un des leviers majeurs pour la transition écologique. Dans le but de mieux identifier les fonds d’investissement responsable et durable, des labels ont vu le jour au sein de l’épargne financière : 

  • Le label ISR (Investissement Socialement Responsable) qui a été créé en 2016 par le ministère de l’Economie et des Finances. Son but est de permettre aux épargnants, ainsi qu’aux investisseurs professionnels, d’avoir plus facilement accès aux fonds d’investissement socialement responsable en aidant à mieux les identifier. Ceux-ci visent à concilier la performance économique, l’impact social et l’impact environnemental, aboutissant à des résultats mesurables et concrets. Le Label ISR est attribué à l’issue d’un processus de labellisation mené par des organismes indépendants. C’est une référence unique pour les épargnants qui souhaitent participer à une économie verte et durable. (6)
  • Le label Greenfin est le premier label d’Etat dédié à la finance verte, créé par le ministère de la Transition écologique et énergétique, à la suite de la COP21. Il garantit la qualité verte des fonds d’investissement et a pour objectif de mobiliser une partie de l’épargne financière au bénéfice de la transition énergétique et écologique. (7)
  • Le Label Finansola été créé par l’association Finansol aujourd’hui appelée Fair. Il repose sur des critères de solidarité, de transparence et d’information. (8)

Pour accompagner le déploiement de l’épargne verte, le ministère de l’Economie et des Finances à promulguer la loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) en 2017. Cette loi incite notamment les prescripteurs de produits d’épargne à ouvrir des unités de comptes sur des fonds labellisés dès l’ouverture d’un contrat d’assurance-vie. 

Notons également que la réglementation européenne via la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) vient renforcer la présence de la finance verte en imposant à l’ensemble des fournisseurs de produits financiers à publier des informations sur l’intégration des critères ESG dans leur méthodologie de sélection. 

Ainsi, la finance se structure aujourd’hui autour des enjeux climatiques. 

2.2 Et l’épargne immobilière ?

Avant toute chose, rappelons que l’épargne immobilière est composée de 2 familles :  

  • la pierre/papier (SCPI et OPCI). Il s’agit de véhicules de placement immobilier collectif réglementé par l’Autorité des Marchés Financiers (AMF). 
  • La pierre/pierre, c’est-à-dire l’investissement immobilier direct. Il s’agit ici de l’acquisition d’un appartement – avec ou sans mécanisme fiscal d’investissement (Pinel, Malraux, LMNP, etc.)

Depuis 2020, l’épargne immobilière « pierre/papier » bénéficie de son propre label durable. En effet, le label ISR a été adapté aux véhicules immobiliers collectifs. Les sociétés de gestion peuvent ainsi sélectionner 8 indicateurs d’impacts. 4 d’entre eux sont obligatoires : 

  • Performance énergétique
  • Mobilité ou santé et confort des occupants
  • Émission de gaz à effet de serre 
  • Gestion de la chaîne d’approvisionnement.

Ce label peut être accordé à des fonds qui investissent dans les immeubles les plus modernes et performants, mais aussi à des fonds qui orientent l’épargne vers l’amélioration de la performance ESG du parc immobilier existant. (9)

Pour en savoir plus découvrez : L’ISR une première définition de l’investissement durable.

3. Pierre/pierre : quelles sont les mesures durables ?

L’investissement immobilier classique ou dite « pierre/pierre » ne bénéficie pas de label. En revanche, on retrouvera une conjonction de démarches imposées ou volontaires qui permettront de qualifier un projet durable ou non. Ces démarches peuvent alors servir de boussoles pour les investisseurs – à condition de bien les connaître.

3.1 La construction de bâtiments à énergie positive et à carbone négatif

Les projets immobiliers neufs répondent à des exigences en termes de réglementations qui imposent notamment des normes énergétiques afin de lutter contre le réchauffement climatique. 

Commençons par la RT2012 puisque le marché propose aujourd’hui un grand nombre d’immeubles qui répondent encore à cette réglementation. Il s’agit d’une norme exigeante qui est appliquée depuis près de 10 ans par les promoteurs. Elle a pour objectif de viser une consommation d’énergie primaire des bâtiments neufs à 50 kWhEP/(m².an) – soit l’équivalent de l’étiquette A pour le DPE (Diagnostic de Performance Energétique). 

Lorsque la RT2012 est couplée au label E+C-, une ambition environnementale plus forte est donnée au projet. Le E signifie Energie Positive et C pour Carbone Négatif. Le label atteste à la fois de la performance énergétique du bâtiment et de la mesure – voir la maîtrise recherchée – de son niveau d’émissions de gaz à effet de serre. 

Ainsi, un programme à la fois RT2012 mais également porteur du label E+ C- est un bon signal pour un investissement immobilier durable

3.2 La nouvelle réglementation environnementale

En 2022, la France passe d’une réglementation thermique à une réglementation environnementale : la RE2020.  Celle-ci est plus ambitieuse et exigeante pour la filière construction. Elle s’inscrit dans une action continue et progressive en faveur de bâtiments moins énergivores et moins émettrice de gaz à effet de serre. L’objectif de la RE2020 est de poursuivre l’amélioration de la performance énergétique et du confort des constructions, tout en diminuant leur impact carbone.

La réglementation concernant la consommation d’énergie et les émissions de GES est constamment revue afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. La RE2020 laissera place à la RE2024 qui sera encore plus exigeante pour que les bâtiments neufs atteignent la sobriété énergétique(10)

La construction neuve bénéficie de réglementation et de nombreux labels. Il est en effet « plus aisé » de partir de zéro plutôt que de devoir s’adapter à un bâtiment existant. Pourtant, après des décennies où la démolition/construction était préférée par les opérateurs, voilà que la rénovation/transformation/réhabilitation devient une nouvelle règle. La raison à cette nouvelle prise de position des pouvoirs publics est double : sobriété et comptabilité carbone

En effet, en 2020, l’ADEME (Agence de la transition écologique) indiquait que la rénovation d’un bâtiment collectif consommait 80 fois moins de matière première que la construction. Tout est dit …

3.3 La rénovation du parc immobilier

Moins construire pour contribuer à la sobriété nécessite donc de rénover le parc immobilier existant. Parmi les enjeux qui accompagnent la rénovation, nous notons la limitation de la consommation d’énergie pour le confort en hiver, mais également l’amélioration du confort d’été avec des pics de chaleurs qui ne cessent d’augmenter. 

La rénovation du parc est devenue un enjeu national. Pour cela, un outil de mesure a été développé : le Diagnostic de Performance Energétique (DPE). Il permet de classer les logements de A à G selon leur consommation d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre. Sa récente modification a fait augmenter le nombre de logements qualifiés de « passoires thermiques ».  L’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE) évalue le nombre de ces logements classés F et G à 5,2 millions parmi les 30 millions de résidences principales, soit 17,3 % du parc immobilier français ( alors qu’il était de 4,8 millions en 2018 le ministère chargé du Logement. (11)

Pour encourager la rénovation des bâtiments par les particuliers, l’Etat intervient à deux niveaux : 

  • De manière coercitive en obligeant les propriétaires à réaliser des travaux pour atteindre un certain niveau de performance. En cas d’objectif non atteint, la sanction sera contraignante : impossibilité d’augmenter les loyers, de louer puis de vendre son logement. 
  • De manière coopérative en proposant des services d’accompagnement financiers et techniques aux propriétaires. Les particuliers peuvent bénéficier du crédit d’impôt pour la transition énergétique, des aides MaPrimeRénov’, des primes délivrées au titre des Certificats d’Economie d’Energie, des aides de l’Agence nationale de l’habitat, des aides d’Action Logement, d’un taux de TVA réduit. L’éco-prêt à taux zéro leur permet de financer le reste à charge. Des aides sont également disponibles localement, telles que les primes distribuées par la Commission de régulation de l’énergie en Corse et en outre-mer au titre d’actions de maîtrise de la demande en énergie. (12)

Le secteur de l’immobilier, et plus particulièrement de l’investissement locatif est directement impacté par les enjeux climatiques. Cela prend la forme de réglementation et de normes. Mais les acteurs de l’immobilier (promoteurs et opérateurs) bénéficient également de marge de manœuvre pour être plus ambitieux encore. Pour accompagner ces démarches, ils peuvent compter sur des labels et certifications et ainsi mettre en lumière les actions environnementales ou sociétales qui vont au-delà des obligations. 

Ces « marqueurs » permettent ainsi aux investisseurs immobiliers d’identifier plus facilement les immeubles et les appartements correspondant à leurs sensibilités durables. Car de la même manière qu’il est possible de sélectionner un actif financier socialement responsable, il est désormais possible de sélectionner un support immobilier durable

C’est un sujet éminemment d’actualité, car 6 épargnants sur 10 indiquent que les critères sociaux et environnementaux sont importants dans leur prise de décision. On constate, désormais, une vraie prise de conscience de l’impact de chaque citoyen sur ses décisions d’épargne. (13)

Pour aller plus loin découvrez les principales préoccupations des acquéreurs immobiliers.