Un secteur impactant fortement le changement climatique

Le secteur de l’immobilier est une des composantes majeures du changement climatique aux côtés du transport et de l’agriculture. En France, il représente 43% de la consommation énergétique totale et émet 23% des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES).  Afin d’accélérer la lutte contre le dérèglement climatique, des réglementations sont mises en place dans le secteur du bâtiment avec un impact à long terme. Rappelons que l’Europe et la France se sont engagés à la neutralité carbone en 2050. Tous les secteurs d’activités doivent contribuer à cet effort. La définition de l’immobilier durable repose sur 3 piliers : l’environnement, le social et la gouvernance. Il s’agit des critères dits ESG qui se développent dans une perspective à la fois éthique et écologique.

L’immobilier durable est donc un vaste sujet. Nous nous concentrons dans cet article sur les enjeux environnementaux portés par le secteur immobilier et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs de neutralité carbone nécessaires à la protection de la planète.

Faut-il privilégier la construction neuve ou la rénovation énergétique des bâtiments existants ?

Il s’agit là d’une question épineuse souvent soulignée par les commercialisateurs d’investissement locatif. La réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) peut être regardée sous plusieurs angles : en phase de construction et en phase d’exploitation. Dans les 2 cas, des mesures peuvent être initiées pour contribuer à la réduction des GES. Ainsi, les 2 natures d’immeuble ne s’opposent pas et méritent toute l’attention des investisseurs

Immobilier durable : rénover les bâtiments afin de leur donner une seconde vie

La réalisation de travaux de rénovation constitue une solution afin d’améliorer la performance énergétique d’un bâtiment contribuant ainsi à sa durabilité environnementale

Tout d’abord, les bâtiments existants présentent l’avantage de ne plus générer d’émissions carbone liées à leur construction (notamment pour le béton). Rappelons qu’une construction neuve émet environ 1,5 tonne eq CO2 par mètre carré construit. 

Toutefois, leur vétusté peut poser problème quant aux émissions de GES. Elle s’accentue en cas de mauvaise isolation qui nécessite alors, une utilisation forte et prolongée du chauffage ou de la climatisation, ce qui entraîne une consommation élevée d’énergie. Afin d’y remédier, des normes sont imposées telles que les exigences thermiques liées à l’isolation, qui interdisent depuis 2023 la location de logements dits « passoirs thermiques », dans le but d’engager les propriétaires à effectuer les travaux nécessaires. Pour atteindre l’objectif de neutralité carbone, le parc immobilier devrait se situer sur un DPE de niveau B. Or, à date, la consommation moyenne des logements est au niveau E. Ce constat permet de mieux comprendre les moyens financiers mis en œuvre par le gouvernement pour inciter les propriétaires à réaliser des travaux de rénovation énergétique (MaPrime Rénov). 

Construire durablement en émettant moins de CO2

Alors que la rénovation des bâtiments est devenu un enjeu national, la construction de logements neufs en est également un autre. La demande de logements à loyer modéré n’a jamais été aussi haute (près de 2.5 millions de ménages en demande en 2023), et certains secteurs géographiques sont en forte tension locative. Le besoin de constructions neuves oscillerait entre 400 000 et 500 000 logements par an. 

En croisant ce contexte à celui des enjeux bas carbone, il devient évident qu’une approche durable en matière de construction est primordiale. 

Depuis de nombreuses années, les réglementations thermiques permettent d’améliorer considérablement la performance énergétique des logements. La RE2020 vise ainsi des DPE de niveau A. C’est là, un des éléments qui démarquent fortement les logements neufs des logements anciens. 

Toutefois, le match “bas carbone” est largement perdu lorsque que l’on compare les émissions CO2 lors de la phase de construction. L’étude prospective de l’Ademe montre qu’un bâtiment neuf collectif consomme 80 fois plus de matière première qu’un bâtiment rénovation. Le match est plié. Mais il n’est pas fini. En effet, la RE2020 introduit de nouvelles notions, dont celle de la mesure du poids carbone du bâtiment sur tout son cycle de vie. 

“Ce qui ne se mesure pas n’existe pas et ne peut être amélioré”. 

Focus Certification

La certification HQE Bâtiment évalue la durabilité des logements, selon une quinzaine d’indicateurs, tous centrés sur la qualité de vie, le respect de l’environnement, la performance économique et le management responsable. Elle est ainsi un bon indicateur pour identifier le potentiel de durabilité du bâtiment neuf. 

Un bâtiment durable, c’est un bâtiment qui anticipe et s’adapte

Le réchauffement climatique entraîne de nouvelles problématiques se caractérisant par la montée des eaux, le risque de sécheresse, d’inondation ou encore de grande chaleur. Ces éléments constituent les points de vulnérabilité cités dans les “scénarios neutralité 2050” identifiés par l’ADEME. 

Afin d’anticiper la construction de la ville de demain, l’ADEME a défini 4 scénarios

  • Génération frugale, 
  • Coopérations territoriales, 
  • Technologies vertes,
  • Pari réparateur.

Il s’agit d’enjeux fondamentaux pour le secteur du bâtiment qui doit être en mesure de faire face aux défis environnementaux et climatiques.

La situation géographique d’un bâtiment joue aussi un rôle important dans sa durabilité. Suffisamment éloigné des côtes pour réduire le risque de submersion, et situé au sein d’écoquartiers afin d’assurer une bonne gestion des ressources et des déchets. La création d’espaces végétalisés autour du bâtiment est aussi essentielle afin de concevoir un environnement durable et réduire l’empreinte écologique de la construction de biens immobiliers.

Identifier les actions permettant d’atténuer le changement climatique

Pour identifier concrètement de quelle manière un bâtiment peut contribuer à atténuer le changement climatique, nous vous proposons une lecture sous le prisme de la Taxonomie Verte Européenne. Les mesures définies dans le cadre de la taxonomie verte visent à atténuer les effets du changement climatique, avec pour objectif de promouvoir une activité durable. La Taxonomie européenne établit des critères de contribution substantielle (CCS) et d’absence de préjudice (DNSH). Voici les critères à respecter pour garantir qu’un projet immobilier répond aux défis d’atténuation du changement climatique conformément à la définition de la Taxonomie Verte Européenne :

  1. Exigences en matière de performance énergétique :

La performance énergétique des bâtiments est l’un des éléments permettant de caractériser l’impact d’un logement sur le changement climatique. Ainsi, en fonction de la nature de l’immeuble (existant avec rénovation ou neuf), des seuils liés à la consommation d’énergie primaire sont définis.

Rénovation d’un bâtiment (résidentiel) Construction neuve de logements collectifs

Dans le cas d’une rénovation lourde, la consommation d’énergie primaire pour le chauffage, le refroidissement et la production d’eau chaude sanitaire doit être maintenue en dessous d’un seuil variant entre 80 et 165 kWh/m².an, avec une modularité selon les équipements utilisés, la localisation et le site.

Dans les autres cas, les travaux doivent entraîner une réduction d’au moins 30% de la demande d’énergie primaire. Comment mesurer l’atteinte de cet objectif ? Cela peut être réalisé en effectuant un Diagnostic de Performance énergétique (DPE) en amont du projet, puis à nouveau en aval.

Tous les bâtiments neufs construits sous la RE2020 doivent satisfaire le critère Nearly-Zero Energy Building (NZEB) – 10% | Il s’agit ici de la référence de la Taxonomie.

Ainsi, le critère de la Taxonomie européenne est rempli lorsque le coefficient Cep du bâtiment est inférieur d’au moins 10 % à la valeur de référence Cepmax. Cette dernière varie en fonction de la localisation, du site, des équipements et d’autres caractéristiques techniques spécifiques du bâtiment.

Pour répondre aux critères de la Taxonomie en lien avec l’atténuation au changement climatique, les bâtiments de + 5 000m² doivent répondre à des tests d’étanchéité à l’air et d’intégrité thermique. Ainsi les bâtiments soumis à la RT2012 et RE2020 sont réputés conformes à ce critère. Par ailleurs les labels énergétiques BBC, BEPOS ou BEPOS+ et Effinergie 2017 requièrent de réaliser des tests d’étanchéité à l’air ou d’avoir une démarche qualité liée à la perméabilité à l’air du bâti.

En plus des éléments cités ci-dessous, l’Analyse de cycle de Vie (ACV) du bâtiment est une caractéristique de la Taxonomie. Il s’agit ici de calculer le poids carbone du projet de construction des bâtiments de plus de 5 000m².  Le RE2020 introduit l’Analyse du Cycle de Vie du bâtiment. Il s’agit là d’une innovation entre la RT2012 et la RE2020. Seules les opérations en RT2012 avec le label E+/C- s’engagent sur une ACV.

2. Identification des aléas et analyse des risques climatiques

Plusieurs aléas sont identifiés tels que ceux liés à la température, au vent, à l’eau ou aux masses solides (érosion du littoral, dégradation des sols, avalanche…)

Rénovation d’un bâtiment (résidentiel) Construction neuve de logements collectifs

L’identification de ces risques doit être effectuée de manière proactive, immeuble par immeuble, à travers un état des lieux. Cette démarche peut être renforcée par l’établissement d’une cartographie des risques climatiques pour les bâtiments, ainsi que par l’élaboration de scénarios pour différents horizons temporels (court, moyen et long termes).

3.  Identification et mise en place des solutions d’adaptation

Rénovation d’un bâtiment (résidentiel) Construction neuve de logements collectifs

Il est requis de réaliser une liste des solutions adaptatives et actions à mettre en œuvre sur le bâtiment. Un plan d’action détaillé est nécessaire pour présenter les démarches d’ordre technique ou organisationnel. Ainsi, pour les opérations de rénovation importantes, les phases de programmation et conception doivent intégrer des éléments sur la vulnérabilité future du bâtiment quant aux risques climatiques.

4. Gestion de l’eau

Rénovation d’un bâtiment (résidentiel) Construction neuve de logements collectifs

Afin de maîtriser la consommation d’eau des bâtiments, des solutions techniques doivent être mises en œuvre pour respecter les débits suivants : robinet < 6L/min ; douche < 8 L/min ; WC avec 3-6 l par chasse et un volume moyen < 3.5L. Les fiches techniques des équipements installés servent d’éléments de preuve.

Focus sur la conduite d’une évaluation sur la qualité de l’eau en phase chantier : pour être aligné avec la Taxonomie, les actions à mener sont : la réalisation d’une évaluation initiale conforme à une Évaluation d’Incidences sur l’Environnement (EIE) ainsi que l’adoption d’une charte chantier (et son bilan) contribuant à prévenir tout risque de pollution des sols ou des cours d’eau environnant.

5.  Economie circulaire

Dans le cadre des enjeux de recyclage des déchets de construction et de démolition, la Taxonomie requiert qu’au moins 70 % (en poids) des déchets de construction et de démolition non dangereux produits sur chantier soient préparés en vue du réemploi, du recyclage et d’autres formules de valorisation de matière.

Rénovation d’un bâtiment (résidentiel) Construction neuve de logements collectifs

a) Il est à noter que la loi AGEC (Anti-Gaspillage et Economie Circulaire) impose la réalisation d’un diagnostic PEMD (Produits-Équipements-Matériaux-Déchets) pour les travaux de démolition et de rénovation significative à partir de janvier 2022, notamment pour les bâtiments de plus de 1 000 m². Cependant, ce document ne satisfait pas pleinement aux exigences de la Taxonomie, car bien qu’il identifie les possibilités de réutilisation, il exclut les déchets générés par le chantier.

Une charte de chantier pourrait être un des éléments permettant de mesurer l’engagement de valorisation des déchets de chantier.

b) Pour atténuer le changement climatique, la recyclabilité d’un bâtiment est un élément à prendre en compte. Elle se traduit lors de la phase de conception du bâtiment, et plus précisément dans le cadre de la rénovation, de la capacité du bâtiment à évoluer, s’adapter ou encore à être facilement démontable. Cette démarche oblige alors l’opérateur à concevoir son projet au regard des éléments tel que les espaces intérieurs avec le système des murs intérieurs, la facilité d’accès aux conduites de services, les hauteurs sous plafonds et leurs utilisations, la conception des structures qui permettraient de futures extensions…

a) Afin d’être aligné avec cet enjeu, l’opérateur d’un programme neuf peut établir plusieurs documents en phase de conception ou au début du chantier tel que :

Ø Un programme environnemental et/ou charte chantier avec le taux de valorisation spécifié

Ø Le Schéma d’Organisation et de Gestion des Déchets.

Ø Le Bordereaux de Suivi de Déchet (BSD) inclus dans le bilan de chantier (et dans la charte chantier qui mentionne le taux de valorisation)

Ø  Le Bilan de la stratégie de réemploi en place sur le bâtiment

b) La conception des bâtiments et les méthodes de construction encouragent la circularité en démontrant comment leur conception est plus efficiente en termes de ressources, adaptable, flexible et démontable, favorisant ainsi la réutilisation et le recyclage.

Cette prise en compte pour un bâtiment durable se traduit par la réalisation d’études d’adaptabilité et de démontabilité.

6. Lutte contre la pollution

Rénovation d’un bâtiment (résidentiel) Construction neuve de logements collectifs

a) La qualité d’un logement et la lutte contre le changement climatique passent par la maîtrise des composants et matériaux de construction polluants. Les principaux polluants des bâtiments sont : l’amiante, le plomb, le mercure et les fluides frigorigènes. Ces produits hautement polluants sont réglementés en France : interdiction immédiate ou progressive des usages.

b) La qualité de l’air intérieur représente un défi majeur, tant pour la santé publique que pour la lutte contre le changement climatique. Par conséquent, les revêtements intérieurs susceptibles d’être en contact avec les occupants doivent respecter les normes de qualité de l’air, notamment en ce qui concerne le formaldéhyde et les composés organiques volatils (COV). Une classification au niveau A+ des produits de construction correspond aux critères de la Taxonomie.

c) La lutte contre la pollution se réalise également en phase chantier. Ainsi des mesures doivent être adoptées pour réduire le bruit, la poussière et les émissions de polluants au cours des travaux de construction ou de maintenance. Ainsi une charte chantier à faibles nuisances indiquant clairement les engagements de l’opérateur permet de s’assurer d’une prise en compte effective d’un chantier durable.

d) Quand une nouvelle construction est envisagée sur un site potentiellement contaminé, tel qu’une friche industrielle, des investigations ont été menées pour identifier les contaminants éventuels présents sur le site. Cette démarche doit alors se caractériser par une étude de pollution des sols et une analyse du site qui inclut un volet relatif à la pollution des sols.

7. Biodiversité

Les mesures ci-dessous doivent assurer l’absence de préjudice (DNSH) sur la biodiversité :

Rénovation d’un bâtiment (résidentiel) Construction neuve de logements collectifs
Afin de préserver la biodiversité, une démarche en 3 temps doit être définie :

          Conduire une évaluation d’incidences sur l’environnement

          Mettre en place des mesures d’atténuation (exemple : mesures Éviter Réduire Compenser ERC).

          Conduire une évaluation appropriée en fonction des aires (exemple : Natura 2000, site classée au patrimoine mondial de l’Unesco, Key Biodiversity Areas)

Par ailleurs, l’emplacement de la construction doit répondre à la notion de sobriété foncière

La lecture de la Taxonomie appliquée aux projets de rénovation et de construction et notamment des travaux menés par l’OID (Observatoire de l’Immobilier Durable), disponible sur la plateforme Taloen.