Encadrement des loyers : que faut-il en penser ?

Après Paris, « La Plaine Commune » et Lille, Lyon – la 3ème ville la plus chère de France – vient rejoindre les communes françaises à loyers encadrés.
Concrètement, dès le mois de novembre, les nouveaux baux ainsi que les renouvellements de baux devront fixer un loyer ne dépassant pas 20% du loyer de référence (modalités à retrouver ici).

Pourquoi une telle mesure ? Entre réalité économique pour les investisseurs et la pénurie de logements (abordables) dans les zones tendues, comment positionner le curseur du loyer au bon niveau ? Les mesures gouvernementales / municipales sont-elles pertinentes ou déresponsabilisent-elles les bailleurs ?

Le constat

Lyon est la 3ème ville la plus chère de France. Le loyer moyen est de 16,9€ le m² avec un pic pour les studios de 550€/mois pour les non-meublés, et de 650€/mois pour les appartements meublés. La tension est telle, que les chambres en colocation sont louées entre 350 et 550€/mois en fonction de l’arrondissement et la qualité du bien (vétuste ou rénové).

Les loyers pratiqués reflètent la tension du marché. Ils traduisent ainsi :

  • L’attractivité toujours plus forte de Lyon, une métropole à l’emplacement stratégique, située sur la fameuse « dorsale » Lille / Paris / Marseille,
  • une pénurie de biens à vendre,
  • une inflation galopante des prix de vente puisque en 10 ans les prix ont vu une hausse de plus de 50%,
  • la nécessité de rendement pour les propriétaires d’ajuster les loyers au rendement recherché (de 4 à 5% dans l’ancien).

Une mesure politique

En réalisant un calcul simple, on s’aperçoit rapidement de la difficulté de plus de la moitié de la population de l’agglomération lyonnaise à s’installer au cœur de la capitale des Gaules. En effet, le revenu médian français par ménage est de 21 000€ par an. Si un tiers des revenus est dédié au logement, c’est donc un loyer de 550€/mois que peut allouer un foyer à son habitat. Ainsi un couple avec un ou deux enfants nécessitant un appartement avec 2 chambres, ne peut allouer que 9€/m²/mois pour un appartement de 60m².

Cette règle de calcul implacable ne permet donc pas à la majorité des ménages de s’installer dans Lyon.

Cette mesure politique a pour objectif de favoriser la mixité sociale dans Lyon, et éventuellement de tenter de ralentir de l’augmentation des prix de vente.

Effets collatéraux et interrogations

Côté locataires, les effets en matière d’accessibilité des logements sont sans appel. En revanche, une telle mesure peut-elle entraîner des difficultés d’équilibre financier pour les propriétaires – souvent endettés ? Rappelons que de plus en plus d’épargnants se tournent vers l’achat de biens immobiliers pour préparer leurs retraites. En 2020, 29% des transactions immobilières étaient dédiées à l’investissement locatif. Une proportion qui ne cesse d’augmenter ces dernières années.

Cette mesure appelle également une autre interrogation. Sur les zones tendues (dont Lyon), les dépôts de dossiers par appartements sont nombreux : les méthodes de sélection des futurs locataires seront-elles révisées ? L’encadrement des loyers donnera-t-il vraiment accès plus facilement à des logements aux ménages plus « fragiles » ? Bailleurs privés ou professionnels priorisent le plus souvent les dossiers les plus solides – quel que soit le loyer appliqué. Il en va de la sécurité locative pour le bailleur. Le cabinet de gestion Cesar & Brutus indique que seulement 5% des dossiers de demandes de logements trouvent une réponse favorable tant la demande de logements est forte.

Enfin, à Paris et Lille, les biens confiés en gestion auprès des professionnels répondent aux directives d’encadrement des loyers, mais quid des propriétaires privés pour lesquels il est plus difficile de d’exercer un contrôle d’application ? Serait-ce un système à 2 vitesses ?

Autres pistes pour rendre plus accessible les logements

Et si, l’une des solutions émanait directement des propriétaires ? Plutôt que d’imposer une réglementation et de contraindre ses acteurs, pourrait-on envisager une démarche qui viserait à sensibiliser directement les bailleurs ?

La rentabilité d’un placement (qu’il soit financier ou immobilier) est un des principes fondamentaux d’un investissement. Mais soulignons que les épargnants recherchent de plus en plus à mettre du sens dans leur patrimoine. Le récent rapport de l’AMF de juillet 21 indique que 6 français sur 10 souhaitent intégrer des critères de développement durable dans leur décision d’épargne. Rappelons que parmi les 17 objectifs de développement durable figure la « solidarité et la réduction des inégalités ». L’accès au logement pour tous en fait donc parti.

Certes, l’Etat s’engage à réaliser des logements sociaux (près de 250 000 pour les 2 prochaines années – Source Banque des Territoires) . Mais à l’heure où on estime que 70% des ménages français répondent aux critères d’accès au logement social, le parc privé est également une ressource clé permettant l’accès au logement pour tous.

Ainsi, les propriétaires souhaitant participer à cet effort collectif et solidaire peuvent s’appuyer sur des organismes proposant des services sur-mesure avec des garanties. De même, pour les bailleurs qui s’inscrivent dans une démarche de loyer modéré, le dispositif Cosse permet d’alléger la pression fiscale sur les revenus fonciers. Rappelons que cette dernière est la nature des revenus la plus fiscalisée pour les contribuables (jusqu’à 62.2% des loyers perçus) – voir article sur le mécanisme du déficit foncier.

Voici quelques exemples de structures proposant de rapprocher propriétaires de locataires : Appart et Sens ou Habitat et Humanisme.

En savoir plus, consultez également l’article sur comment louer solidaire.

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