Réconcilier ambition environnementale et production de logements durables
La RE2020 (Réglementation Environnementale 2020), pierre angulaire de la stratégie bas carbone du secteur immobilier neuf, s’apprête à franchir un nouveau cap. Mais dans un contexte de crise du logement et de montée des exigences climatiques, l’équation devient délicate. Le rapport remis par Robin Rivaton à la ministre du Logement Valérie Létard trace une voie : ni pause, ni abandon, mais des ajustements ciblés pour préserver à la fois la transition écologique et la capacité à construire.

RE2020 : rappel des ambitions
Entrée en vigueur en janvier 2022 pour les logements neufs, la RE2020 vise à réduire l’empreinte carbone du bâtiment, améliorer sa performance énergétique et favoriser l’usage de matériaux biosourcés. Elle doit permettre, d’ici à 2031, une réduction des émissions de l’ordre de 7,9 millions de tonnes de CO₂, soit 1,2 % de l’empreinte carbone annuelle de la France.
Des paliers progressifs sont prévus en 2025, 2028 puis 2031. Objectif : accompagner le secteur vers une transition plus vertueuse.
Mais sur le terrain, les professionnels alertent sur un ralentissement de la production et des surcoûts croissants. C’est dans ce contexte que Robin Rivaton, entrepreneur et spécialiste de l’innovation urbaine, a été missionné pour faire un état des lieux et formuler des pistes d’amélioration.
Une ambition climatique… qui pèse lourd
Selon le rapport Rivaton, l’application stricte de la RE2020 entraîne un surcoût moyen de 11 % sur la période 2022-2031. Un chiffre lourd de conséquences dans un marché déjà tendu. Il estime que cette hausse des coûts pourrait se traduire par 118 000 à 342 000 logements non produits d’ici à 2035, dont une part significative de logements sociaux.
Si l’enjeu climatique reste central, la soutenabilité économique et sociale de la réglementation doit, selon lui, être prise en compte. La solution ? Accélérer l’effet d’apprentissage du secteur, pour réduire les coûts sans renoncer aux objectifs.
Revoir les méthodes de calcul carbone
Le rapport pointe également un problème de méthode dans l’analyse du cycle de vie des bâtiments (ACV), pilier du calcul de l’empreinte carbone. Une modification des règles en cours de route a pu surévaluer le poids carbone réel de certains projets.
Robin Rivaton recommande donc une harmonisation et une clarification de la méthode, afin de garantir la fiabilité des données sans pénaliser artificiellement certains types de bâtiments.
Ne pas sacrifier la qualité d’usage
L’un des constats les plus frappants du rapport concerne la dérive potentielle vers des bâtiments moins qualitatifs : pour « cocher les cases » du DPE ou de la RE2020, certains projets tendent à supprimer balcons, doubles orientations, ou hauteurs sous plafond.
Des choix regrettables qui nuisent directement au confort et à la qualité de vie des habitants, tout en limitant la capacité d’adaptation face aux changements climatiques, notamment en période de canicule.
Robin Rivaton propose ainsi de neutraliser le poids carbone de certains éléments comme les balcons dans le calcul global, afin de ne pas désinciter leur présence.
Un indicateur de confort d’été à renforcer
La succession d’épisodes caniculaires rend la question du confort d’été incontournable dans la conception des logements. Pourtant, l’indicateur actuellement retenu par la RE2020 est jugé trop permissif.
Il permet notamment la construction de logements mono-orientés dans des zones non méditerranéennes, au détriment d’une bonne ventilation naturelle. Une aberration, selon l’auteur du rapport, à l’heure où la fraîcheur devient un enjeu sanitaire et social.
Il milite aussi pour une meilleure reconnaissance des pompes à chaleur réversibles, capables d’assurer à la fois chauffage et rafraîchissement, comme alternative durable aux climatiseurs individuels énergivores.
Voir également l’article : Immobilier et adaptation au changement climatique
Adapter les règles aux réalités urbaines
Autre proposition clé : faire évoluer les règles selon les typologies de bâtiments. En particulier, Robin Rivaton suggère de maintenir les immeubles de grande hauteur (IGH) au seuil d’exigence de 2025, en raison de leur rôle en matière de densification urbaine, qui permet de limiter l’artificialisation des sols.
De la même manière, il appelle à exempter les projets de surélévation ou d’extension des exigences les plus strictes, afin d’encourager la sobriété foncière.
En conclusion : une RE2020 plus juste, pas moins exigeante
Le rapport Rivaton ne remet pas en cause les objectifs de la RE2020. Il en réaffirme la nécessité dans un monde en crise climatique. Mais il appelle à un réalisme opérationnel, pour que cette réglementation reste un moteur de transition et non un frein à la production.
Construire bas carbone, oui. Mais pas au prix d’un habitat dégradé, inaccessible ou inadapté. Il est temps de bâtir une écologie du logement désirable, ancrée dans la réalité des usages, des territoires, et des limites économiques.
Vers une concertation nationale
La ministre du Logement a salué un rapport « minutieux et de grande qualité » et a annoncé dans la foulée l’ouverture d’une concertation avec les professionnels du bâtiment et de l’immobilier, en vue d’un nouveau décret attendu fin 2025.
L’enjeu sera de taille : trouver le bon équilibre entre ambition climatique, faisabilité économique et qualité architecturale, sans tomber dans le piège du dogmatisme ou du repli.
Pour aller plus loin :
- Communiqué de presse : https://www.ecologie.gouv.fr/presse/remise-du-rapport-rivaton-re2020-valerie-letard-ouvre-nouvelle-phase-dajustement
- Projets lancés en 2025 : Vers un simplification de la RE2020 ?