Construire aujourd’hui pour le climat de demain

Retour sur la conférence organisée par l’Observatoire de l’Immobilier Durable – Paris, 19 juin 2025

Face à l’accélération des dérèglements climatiques, le secteur immobilier est à la croisée des chemins. Non seulement responsable d’une large part des émissions de gaz à effet de serre, il est aussi l’un des plus exposés aux conséquences directes du changement climatique. Dans ce contexte, l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID) a organisé à Paris une conférence prospective intitulée « Immobilier et prospective – adaptation : vers une résilience partagée de toute la chaîne de valeur ». Un événement qui a réuni experts, urbanistes, acteurs financiers et institutionnels autour d’une vision commune : adapter le cadre bâti pour répondre aux enjeux climatiques du XXIe siècle.

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Urgence climatique et leviers d’action urbanistiques

L’intervention inaugurale d’Hélène Chartier, directrice de l’urbanisme au sein du réseau C40 Cities Climate Leadership Group, a rappelé avec force que l’adaptation au changement climatique ne peut plus être une option. De Séoul à Barcelone, en passant par Copenhague, Venise ou Le Cap, les villes expérimentent des solutions concrètes : villes compactes, centralités multiples, corridors verts, végétalisation, perméabilité des sols, adaptation aux risques côtiers ou encore refroidissement urbain par le vent.

Des concepts structurants comme des « villes compactes et marchables « , défendue depuis les années 1960 par l’urbaniste Jane Jacobs, ont été remis au centre du débat. Les projets, qu’ils soient exemplaires ou controversés, comme l’île artificielle de Copenhague, traduisent la nécessité de penser la ville en symbiose avec son environnement, en intégrant les contraintes climatiques à chaque étape de l’aménagement.

Enjeux sociaux et économiques de l’adaptation

La première table ronde, animée par Cristhian Molina Calderon (OID), a mis en lumière l’importance de traiter l’adaptation non seulement comme un défi technique, mais aussi comme une urgence sociale. Les représentants de Météo France, de la Banque Mondiale et de l’ONG Oxfam ont partagé un constat sans appel : les effets du climat sur les villes sont déjà visibles, et les plus vulnérables sont les plus durement touchés.

Le changement climatique n’est plus une projection. Il est déjà là : +2°C attendus en France d’ici 2030, +4,7°C à l’horizon 2100 (source Météo France). Les vagues de chaleur impactent directement la santé, l’éducation, le travail et le logement. Selon Oxfam France, au moins 26 droits fondamentaux garantis par l’Union Européenne sont menacés du fait de l’insuffisance des politiques d’adaptation.

meteo france +4°C

Les trois piliers d’un immobilier durable et résilient

Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable, a défini trois conditions essentielles pour que l’immobilier puisse s’adapter changement climatique :

  • Articuler les actions entre acteurs publics et privés,
  • Territorialiser les stratégies et les financements,
  • Mobiliser la société civile pour assurer la légitimité des projets et leur ancrage local.

Une vision systémique et inclusive de la résilience urbaine, qui passe par le décloisonnement des expertises et l’engagement citoyen.

Du risque à la résilience : réponses concrètes du secteur immobilier

La deuxième table ronde, modérée par Adrien Sanchez (En’Tropie), a permis d’examiner les leviers opérationnels déployés par les acteurs de l’immobilier. L’urbaniste Franck Boutté a insisté sur le changement de paradigme : il ne suffit plus de réduire les émissions (atténuation), il faut adapter le bâti à un futur incertain. Cela implique d’anticiper les aléas, de modéliser plusieurs scénarios et d’intégrer des solutions multi-échelles, du quartier au bâtiment. Une vision que l’on retrouve dans les travaux de son atelier d’ingénierie urbaine.

Du côté du bailleur social Immobilière 3F, un diagnostic à l’aide de l’outil Bat-Adapt a révélé que deux tiers du parc sont fortement exposés au risque de chaleur. Cette prise de conscience entraîne des réflexions sur la stratégie patrimoniale en lien avec l’une démarche d’adaptation changement climatique.

Pour SCOR Investment Partners, les enjeux sont financiers : comment valoriser aujourd’hui les investissements réalisés pour anticiper les crises climatiques de demain ? Ce dilemme met en lumière la nécessité d’un changement de temporalité dans les modèles économiques, et d’une reconnaissance de la valeur immatérielle de la résilience.

Vers une vision prospective de la ville de demain

Ce fil rouge s’est imposé tout au long de la conférence : penser l’adaptation, c’est se projeter dans un avenir incertain avec rigueur, humilité et ambition. Les solutions sont connues, les outils existent, les premières expérimentations sont en cours. Il s’agit désormais de généraliser, de mutualiser et d’agir.
Le concept de “climat prospectif”, souvent évoqué, rappelle que l’adaptation doit être envisagée dans une logique de long terme, intégrant les cycles de vie des bâtiments, les évolutions sociétales et les aléas climatiques. Cela implique aussi une approche équilibrée entre atténuation et adaptation, pour éviter les effets rebonds ou les solutions contre-productives.

L’immobilier en première ligne du changement

Le message délivré lors de cette conférence est clair : l’immobilier adaptation changement climatique doit devenir une norme. Non pas dans une logique d’urgence panique, mais dans une perspective volontaire, structurée et collaborative. Car construire la ville résiliente de demain, c’est préparer dès aujourd’hui un cadre de vie digne, équitable et soutenable pour les générations futures.
Pour aller plus loin, les guides de bonnes pratiques publiés par C40 Cities sont accessibles ici : https://www.c40.org/fr/good-practice-guides/