Un modèle pour des villes plus résilientes et vivables
Face au changement climatique, les villes sont en première ligne. Entre vagues de chaleur, gestion de l’eau et qualité de l’air, l’adaptation des espaces urbains est devenue une nécessité. Les enjeux sont cruciaux limiter les impacts environnementaux et assurer un cadre de vie agréable pour les citadins. Ce défi est aujourd’hui d’autant plus pressant que deux grandes actualités marquent l’agenda : la COP 16 de la biodiversité, qui rappelle l’importance de préserver les écosystèmes, et le Plan national d’adaptation au changement climatique récemment publié en octobre et qui vise à anticiper une hausse +4°C d’ici 2100.
Dans cette perspective, la biodiversité urbaine devient un levier majeur pour limiter l’impact du réchauffement climatique en milieu urbain. Elle favorise des villes plus fraîches, résilientes et agréables à vivre. C’est dans ce contexte que s’inscrit la règle 3-30-300, un concept original proposé par Cecil Konijnendijk, expert en foresterie urbaine, pour promouvoir des villes plus vertes et durables
La règle 3-30-300 : une approche simple et efficace pour la biodiversité urbaine
La règle 3-30-300 repose sur trois grands principes pour renforcer la présence de la nature en ville et améliorer la qualité de vie des habitants :
- 3 arbres visibles depuis chaque habitation : ce critère vise à ce que chaque citoyen et citoyenne bénéficient d’un lien direct avec la nature depuis son lieu de vie.
- 30 % de végétation dans le quartier : assurer qu’au moins 30 % de la surface d’un quartier soit arborée pour rafraîchir l’air ambiant, améliorer le cadre de vie, et renforcer les écosystèmes locaux.
- 300 mètres d’un parc ou d’une forêt : garantir l’accès facile à un espace vert à proximité immédiate de chaque habitation ou lieu de travail.
Ce modèle répond à une diversité d’enjeux liés à la biodiversité urbaine, du bien-être des habitants à la lutte contre les îlots de chaleur. Ces objectifs permettent aussi de structurer l’action des collectivités en matière de verdissement et de s’inscrire dans une logique de ville durable.
Méthodologie du CEREMA : pour une végétalisation ciblée et durable
Afin de répondre aux spécificités de chaque territoire, le CEREMA* a développé une méthodologie pour sélectionner les essences végétales adaptées aux contraintes urbaines et aux impacts climatiques. Cette démarche, testée avec plusieurs collectivités, s’appuie sur l’identification de sites urbains à fort potentiel de végétalisation pour optimiser les plantations.
L’objectif est double
- Cartographier les lieux où la plantation aura le plus d’impact, que ce soit pour lutter contre les îlots de chaleur ou pour la gestion des eaux pluviales,
- Choisir des essences résilientes, capables de supporter la sécheresse, la pollution et les contraintes d’un environnement urbain.
En croisant les trois données d’entrée (population totale importante, indice de canopée faible + éloignement des espaces arborés (> 300m à pied) l’outil du Cerema permet de réaliser une cartographie pour faire ressortir les secteurs à arborer en priorité. Par la suite, une appréciation de la faisabilité immédiate de plantations d’arbres est réalisée. In fine, on obtient les lieux dans lesquels la plantation aura le meilleur impact.
En combinant science et expertise locale, le CEREMA aide les villes à renforcer leur biodiversité urbaine, en intégrant à la fois l’adaptation climatique et l’amélioration du cadre de vie.
*Etablissement public relevant du ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, du ministère de la Transition écologique
Exemple inspirant de Nantes : une charte pour la biodiversité urbaine
Pour Nantes Métropole, la règle 3-30-300 a été intégrée dans une charte de l’arbre, un plan ambitieux pour protéger et développer les espaces verts pour lesquels « 75 % de la canopée de la métropole se trouve sur des espaces privés ». Ce plan concerne donc tous les acteurs de la Métropole. La charte comprend 24 engagements, dont :
- La création d’une structure de financement public-privé pour développer de nouveaux projets de végétalisation et renforcer la canopée urbaine.
- La préservation de 20 % des espaces boisés en libre évolution pour favoriser la régénération naturelle des forêts et la biodiversité.
- Le soutien aux filières locales de valorisation du bois pour encourager l’économie circulaire et soutenir la durabilité des aménagements.
Avec cette charte, Nantes Métropole met en avant un modèle de gouvernance proactive pour le développement de la biodiversité urbaine, et prouve qu’une gestion concertée avec les acteurs locaux peut accélérer la transition vers une ville plus verte et résiliente.
Les bénéfices prouvés : étude espagnole sur la règle 3-30-300
Les effets positifs de la règle 3-30-300 ne se limitent pas à l’amélioration de l’environnement. Une étude menée par l’Institut de Santé Globale de Barcelone de 2022 a démontré son impact sur le bien-être et la santé mentale des citadins.
Cette étude a évalué l’impact de la règle « 3-30-300 » sur la santé mentale en milieu urbain. À Barcelone, seuls 4,7 % des habitants remplissaient les critères de cette règle, qui inclut la visibilité d’arbres depuis le domicile, une couverture végétale de quartier de 30 % et la proximité d’un espace vert à moins de 300 mètres. Les résultats montrent que la végétation résidentielle est associée à une meilleure santé mentale, moins de recours aux médicaments et de visites chez les psychologues. Les bénéfices sont significatifs lorsque l’ensemble des critères est respecté.
La proximité des arbres et des espaces verts devient ainsi un atout majeur pour la santé mentale, contribuant à un meilleur équilibre et à un sentiment accru de bien-être pour les habitants. En renforçant la connexion des citadins avec la nature, cette règle favorise aussi une prise de conscience collective pour la préservation de l’environnement.
Vers une ville durable : la biodiversité urbaine comme levier clé
La biodiversité urbaine, bien au-delà d’une simple notion écologique, est une réponse complète aux défis climatiques et sociaux que rencontrent les villes aujourd’hui.
La règle 3-30-300 est une approche concrète pour allier urbanisme durable et bien-être des citoyens. Avec des méthodologies comme celle du CEREMA, les collectivités peuvent s’appuyer sur des données et des études pour adapter et optimiser leurs initiatives de végétalisation. Les exemples de villes comme Nantes, en intégrant la biodiversité urbaine à leur politique publique, démontrent qu’il est possible de transformer durablement nos espaces de vie.
Le cadre de la COP 16 et les perspectives du Plan d’adaptation au changement climatique en France montrent l’urgence d’accélérer ces transformations. Il est aujourd’hui essentiel que les acteurs de l’immobilier, les urbanistes et les collectivités adoptent des pratiques inspirées de la règle 3-30-300 pour bâtir des villes plus vertes, résilientes et prêtes à relever les défis environnementaux à venir.