Le BRS : une nouvelle voie pour rendre la propriété accessible et durable
Dans un contexte de tension foncière croissante, de hausse des prix de l’immobilier et de raréfaction de l’offre de logements abordables, le Bail Réel Solidaire (BRS) apparaît comme une solution innovante et structurante. Mis en place en deux temps — avec la création des Organismes de Foncier Solidaire (OFS) en 2014 (loi ALUR) puis celle du BRS en 2016 — ce dispositif permet d’accéder à la propriété à un coût maîtrisé, tout en assurant la pérennité de l’affectation des logements à des ménages modestes.
Le BRS repose sur un principe fondamental : la dissociation entre la propriété du foncier et celle du bâti. L’OFS reste propriétaire du terrain, tandis que l’acquéreur devient titulaire d’un droit réel sur le logement pour une durée de 18 à 99 ans. Il paie ainsi uniquement le bâti, ce qui réduit considérablement le coût d’acquisition.
Un levier puissant pour répondre au besoin de logements
Le BRS constitue une réponse structurelle à l’inaccessibilité croissante du marché immobilier, en proposant une voie médiane entre la location et la pleine propriété. Il s’adresse aux ménages sous conditions de ressources, qui deviennent ainsi propriétaires de leur logement tout en s’acquittant d’une redevance modérée pour l’usage du terrain, resté propriété de l’OFS.
Cette dissociation permet de préserver durablement la vocation sociale des logements : même en cas de revente, le prix est plafonné, l’agrément de l’OFS est requis, et les nouveaux acquéreurs doivent également respecter des conditions de ressources. Le dispositif bloque ainsi toute spéculation et garantit la réaffectation des biens à des publics éligibles sur le long terme.
Un dispositif innovant aux avantages multiples
Pour les acquéreurs, le BRS offre :
- Un prix d’achat réduit, du fait de la dissociation foncier/bâti.
- Un accès à la propriété sécurisé grâce à des droits réels immobiliers permettant la transmission, l’hypothèque ou la constitution de garanties.
- Une stabilité d’occupation (résidence principale obligatoire).
- Une indemnisation en fin de bail (valeur des droits réels).
- Une solution durable, avec une recharge automatique du bail à chaque revente agréée.
Pour les promoteurs et partenaires publics, le BRS est :
- Un outil de développement local, soutenu par les collectivités, qui favorise la mixité sociale et territoriale.
- Une réponse aux obligations de logements abordables, intégrable dans des opérations d’aménagement et de construction neuve.
- Un levier de maîtrise du foncier, grâce à l’action à long terme des OFS, qui construisent un patrimoine immobilier social hors spéculation.
Une propriété encadrée et valorisante
Le BRS confère à l’occupant un statut hybride : il n’est ni locataire, ni pleinement propriétaire au sens classique. Il détient un droit réel immobilier, mais l’usage du bien est strictement encadré :
- Obligation de résidence principale ;
- Contrôle des conditions de revente ;
- Agrément obligatoire de l’OFS pour chaque cession ou changement d’usage ;
- Encadrement du prix de cession.
Cette régulation, parfois perçue comme contraignante, est en réalité la clé de voûte du modèle : elle protège à la fois les ménages et les territoires contre la spéculation immobilière.
Des facteurs à prendre en compte
Le BRS n’est pas un dispositif universel. Il présente certains éléments constitutifs de son modèle, à bien comprendre :
- Il est réservé aux ménages modestes (plafonds de ressources).
- Il impose des règles strictes de revente, ce qui peut restreindre la liberté patrimoniale.
- Il n’est applicable qu’à travers les OFS, organismes agréés et souvent liés à des collectivités territoriales.
- Il ne convient pas à tous les profils d’acquéreurs, notamment ceux qui recherchent une valorisation patrimoniale forte.
Pour les opérateurs, ces éléments doivent être intégrées dès la phase de montage d’opération : choix des partenaires, maîtrise du foncier, calibrage commercial, etc. En contrepartie, le BRS ouvre des opportunités intéressantes, notamment dans les zones tendues ou dans le cadre des nouvelles obligations SRU ou ZAN.
Une tendance de fond vers la dissociation foncier/bâti
Le succès du BRS illustre une évolution majeure des politiques du logement, qui s’orientent de plus en plus vers des modèles de dissociation du foncier et du bâti. Le rapport Lagleize (2019) proposait d’ailleurs d’étendre ce principe à des baux d’activité et à d’autres usages immobiliers (logements libres, locaux commerciaux…), via la création des Organismes de Foncier Libre (OFL).
Si cette extension reste en débat, le BRS lui-même connaît une forte dynamique, soutenue par les collectivités locales, les bailleurs sociaux, les aménageurs et les promoteurs engagés. À Rennes, Lille, ou encore à Paris, les OFS se développent rapidement, portés par un consensus croissant sur la nécessité de bâtir une ville plus abordable, plus résiliente et plus équitable.
Ainsi, le BRS n’est pas qu’un nouvel outil juridique : il incarne un changement de paradigme dans la manière d’appréhender la propriété et l’habitat. En mettant en œuvre une propriété d’usage encadrée mais valorisée, il répond à une double exigence : accessibilité pour les ménages et pérennité de l’effort public ou parapublic.
Pour aller plus loin : Solutions juridiques pour le logement abordable