Annoncée récemment par le gouvernement, la réforme du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) qui entrera en vigueur en 2026 pourrait bien bouleverser la donne pour des centaines de milliers de logements. En revalorisant l’électricité par rapport au gaz et au fioul, jusqu’à 850 000 logements pourraient sortir de la catégorie des passoires énergétiques. Bonne nouvelle pour les propriétaires ? Peut-être. Mais à quel prix pour l’enjeu climatique ? Décryptage.

Un changement de calcul pour une énergie décarbonée

Le DPE, c’est cette fameuse étiquette énergétique (de A à G) désormais incontournable dans les annonces immobilières. Elle évalue la consommation d’énergie d’un logement et ses émissions de gaz à effet de serre, et influence les droits des propriétaires, notamment sur la location ou les aides à la rénovation.

Aujourd’hui, le mode de calcul du DPE repose sur une équation simple : quelle quantité d’énergie est consommée, et quelle est son impact carbone ? Mais le coefficient d’équivalence énergétique appliqué à chaque énergie ne reflétait pas jusqu’ici le véritable contenu carbone du mix énergétique français.

Résultat : les logements chauffés à l’électricité étaient souvent pénalisés, alors même que l’électricité en France est très largement décarbonée, notamment grâce à la part importante du nucléaire dans sa production.

La réforme corrige cette distorsion en abaissant le coefficient d’électricité, ce qui aura pour effet mécanique de mieux noter les logements chauffés électriquement.

Jusqu’à 850 000 logements potentiellement reclassés

Selon les estimations du gouvernement, cette réforme permettra à environ 850 000 logements actuellement classés F ou G — donc considérés comme des passoires thermiques — d’atteindre une classe supérieure.

Ce reclassement n’est pas anodin :

  • Ces logements ne seront plus concernés par l’interdiction de location prévue à partir de 2025 pour les classes G, puis F.
  • Ils sortent du champ d’éligibilité prioritaire aux aides publiques à la rénovation.
  • Les valeurs vénales et potentielles locatives de ces biens pourraient augmenter.
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Un soulagement à court terme… un risque à long terme ?

Si cette réforme apparaît comme une bouffée d’oxygène pour de nombreux propriétaires, elle soulève aussi de lourdes interrogations du point de vue environnemental.

Les passoires thermiques, souvent mal isolées, inconfortables et surconsommatrices, ne deviennent pas magiquement vertueuses parce qu’elles changent de classe grâce à un ajustement méthodologique. Le besoin de rénovation énergétique reste entier.

De plus, en réduisant artificiellement le nombre de logements classés F et G, l’État :

  • diminue mécaniquement le nombre de logements éligibles aux aides à la rénovation (type MaPrimeRénov’) ;
  • envoie un signal ambigu sur la nécessité d’investir dans l’isolation, la ventilation et le confort thermique.

Or, dans un contexte où les aides publiques sont déjà en baisse (le budget de MaPrimeRénov’ passera de 5 milliards en 2023 à 3,6 milliards en 2026), cela pourrait freiner les dynamiques de rénovation, pourtant essentielles à l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.

Un enjeu global : performance énergétique réelle vs performance sur le papier

Cette réforme du DPE nous pose une question essentielle : voulons-nous des logements mieux notés, ou des logements réellement performants ?

Le DPE n’est qu’un outil d’évaluation, mais il influence des décisions majeures : rénovation, vente, investissement, location. En modifiant sa méthode de calcul sans s’assurer que la performance énergétique réelle suive, on prend le risque de ralentir les efforts collectifs pour réduire les émissions du bâtiment, un secteur responsable d’environ 25 % des gaz à effet de serre en France.

Une opportunité à condition de garder le cap

Plutôt que de voir cette réforme comme une trahison des engagements climatiques, elle peut aussi être lue comme une opportunité :

  • Mieux valoriser les logements chauffés à l’électricité est juste et cohérent avec la décarbonation du mix énergétique.
  • Cela peut rendre certains projets de rénovation plus lisibles en donnant une perspective plus favorable à l’électrification des usages.

Mais à condition que cela n’ouvre pas la porte à un relâchement dans les efforts de rénovation du bâti existant.

L’immobilier en première ligne du changement

La réforme du DPE 2026 est un ajustement technique à forte portée symbolique. Elle corrige une incohérence dans la manière dont on évaluait jusqu’ici les logements électriques. Mais elle ne doit pas faire oublier l’essentiel : la performance énergétique réelle d’un logement repose avant tout sur son isolation, sa conception, sa ventilation et ses usages.

Dans un contexte où chaque tonne de CO₂ compte, la rénovation énergétique doit rester une priorité, pas une variable d’ajustement.

Pour aller plus loin : 

  • Lire le communiqué de presse : https://www.info.gouv.fr/communique/evolution-du-calcul-du-dpe-au-1er-janvier-2026-un-nouveau-signal-pour-le-logement-et-la-transition-energetique
  • Lire la lettre ouverte de NegaWatt : https://www.negawatt.org/IMG/pdf/2025_07_-_lettre_ouverte_-_modification_dpe.pdf

11 juillet 2025