Villes apaisées, climat maîtrisé, mobilité repensée
Les Zones à Faibles Émissions (ZFE) se présentent comme un véritable outil de transition. Pensées pour améliorer la qualité de l’air dans les agglomérations françaises, elles interrogent plus largement notre modèle de développement urbain.
Le débat actuel autour des ZFE dépasse le simple cadre réglementaire : il touche au droit à la ville, aux modes de transport, à la santé publique , et à l’avenir du logement dans des territoires en mutation. Dans un contexte où plusieurs politiques environnementales sont révisées, voire remises en cause, comme le souligne Batiactu (27 mars 2025 et 5 avril 2025) la compréhension de la portée des ZFE dans la fabrique de villes plus justes, résilientes et respirables, est nécessaire. Découvrez dans cet article les enjeux des Zones à Faibles Émissions.
1. Les ZFE : un outil sanitaire et environnemental inscrit dans le droit européen
Les Zones à Faibles Émissions sont des périmètres urbains où la circulation des véhicules les plus polluants est restreinte selon leur classification Crit’Air. Elles trouvent leur origine dans une directive européenne de 2008 relative à la qualité de l’air, renforcée en France par la loi d’orientation des mobilités (LOM, 2019) et la loi Climat et Résilience (2021). Aujourd’hui, 25 agglomérations françaises ont mis en œuvre une ZFE, avec un calendrier progressif d’interdiction des véhicules diesel et essence anciens.
Ce dispositif vise à répondre à un enjeu de santé publique majeur – voir Article des Echos du 2 avril 2025. Selon Santé Publique France, la pollution de l’air cause chaque année près de 40 000 décès prématurés liés aux particules fines (PM2.5) et 7 000 aux oxydes d’azote.

2. Un débat social et politique sur fond de fracture territoriale
Les ZFE font l’objet de critiques croissantes, en particulier sur le plan social. La voiture individuelle reste le moyen de transport principal pour 72 % des actifs en France, proportion qui monte à 84 % dans les territoires périphériques. Les ménages les plus précaires, souvent situés en zones mal desservies par les transports en commun, possèdent des véhicules anciens, donc plus susceptibles d’être interdits de circulation.
L’INSEE rappelle que 82 % des ouvriers utilisent la voiture pour aller travailler, contre 61 % des cadres. Le débat sur les ZFE devient dès lors un révélateur d’une forme de fracture territoriale et sociale.
3. Les propositions du Shift Project : clarifier, accompagner, territorialiser
Dans leur récente note, l’association The Shifters propose une approche nuancée et constructive du sujet. Trois grandes orientations sont mises en avant : renforcer l’information, développer les alternatives, et adapter les politiques localement.
Informer et contextualiser
La note recommande de mieux médiatiser les enjeux sanitaires liés à la pollution de l’air. Comme l’a montré le vote transpartisan contre les PFAS en février 2025, les arguments de santé publique sont fédérateurs. Il est donc important que les citoyens aient une bonne compréhension sur les ZFE : il s’agit d’un outil de santé publique, et non une simple mesure anti-voiture.
Développer les alternatives
Le bonus écologique, qui bénéficie désormais principalement aux ménages modestes (montant plafonné à 4 000 €), est jugé insuffisant. Les Shifters insistent sur la complémentarité avec d’autres dispositifs comme le covoiturage quotidien, le développement du transport public, ou encore l’appui aux mobilités partagées dans les zones à faible densité. Le Shift Project a d’ailleurs publié un guide pour construire un système alternatif à la voiture individuelle dans ces territoires (2020).
L’implication des entreprises, notamment via le renouvellement de flottes professionnelles vers des véhicules bas carbone, est également un levier sous-exploité.
Agir localement
Enfin, les Shifters appellent à un débat localisé. Si le cadre est national, chaque collectivité doit pouvoir adapter la ZFE à ses contraintes territoriales : densité, offres de transport, tissu économique. C’est le sens du rapport « Vers des économies régionales bas carbone » (septembre 2024), qui insiste sur une adaptation régionale fine, en prenant l’exemple de la Bretagne.
Pour une transition équitable, penser la ZFE avec le logement et la ville
Ainsi, la question des ZFE ne peut être isolée d’une réflexion plus large sur la ville durable, la réduction des inégalités sociales et l’aménagement du territoire. Le logement est au cœur de ces dynamiques : là où l’on habite conditionne les besoins de mobilité, l’accès à l’emploi, à la santé, aux services. Une politique efficace de ZFE ne saurait réussir sans un urbanisme cohérent : densification maîtrisée, logements bien desservis par les transports publics, mixité fonctionnelle.
Les ZFE peuvent contribuer à construire des villes plus apaisées et respirables, mais seulement si elles s’inscrivent dans un récit partagé. Un récit qui articule impératif climatique, égalité des chances et droit à une mobilité durable.