Repenser nos transports par le design

Imaginez-vous dans le métro un matin de semaine. Autour de vous : des visages fatigués, une lumière froide, le bruit strident des freins.

Maintenant, imaginez le même trajet avec une lumière douce, des sièges confortables, une signalétique claire qui vous guide sans stress.

Même destination, mais deux expériences radicalement différentes.

C’est tout l’enjeu du design des transports : transformer nos déplacements quotidiens en moments plus humains, plus agréables et plus durables.

Pendant longtemps, concevoir un transport, c’était avant tout penser « vitesse et capacité ». Aujourd’hui, l’approche change. Le design ne s’intéresse plus seulement aux véhicules, mais à tout le parcours du voyageur : de la première borne d’information au dernier kilomètre à pied.

L’objectif ? Ne plus simplement « aller vite », mais « aller bien ».

Selon le MobilityLab, rendre les transports publics désirables passe par une expérience fluide et apaisée : une signalétique qui se comprend d’un coup d’œil, des correspondances sans casse-tête, une ambiance qui met à l’aise plutôt que de stresser.

➡️Mobilitylab 

Cette approche, appelée design centré sur l’humain, place l’usager au cœur de chaque décision. Les retours d’expérience alimentent la conception. En effet, les tests révèlent les petits irritants du quotidien. Et petit à petit, les voyageurs deviennent ainsi co-créateurs de leurs propres infrastructures.

➡️Chaire Anthropolis 

Concevoir un transport n’est pas qu’une affaire de logistique. C’est aussi travailler sur ce que l’on ressent : comment la forme d’un abri-bus, la texture d’un siège ou la lumière d’un quai influencent notre confort et notre perception de la ville.

Prenons un exemple concret : dans certaines gares européennes, des « salles sensorielles » offrent des refuges calmes aux voyageurs stressés ou en situation de handicap sensoriel. Ces espaces ne sont pas de simples salles d’attente améliorées. Ils expriment une philosophie : si les transports sont agréables pour les plus vulnérables, ils le seront pour tous.

➡️Salle Sensorielle à la Gare de l’Est

Cette approche transforme les infrastructures en véritables espaces de vie. La gare ou l’arrêt de bus ne sont plus des lieux de transit anonymes, mais des endroits où l’on peut respirer, se retrouver, exister.

Avez-vous déjà vu ces escaliers de métro transformés en piano géant à Stockholm ? Chaque marche produit une note de musique. Résultat : 66% d’usagers en plus choisissent les escaliers plutôt que l’escalator.

C’est ce qu’on appelle le « nudge » ou design comportemental : orienter subtilement nos choix vers des pratiques plus durables, sans contrainte ni interdiction. Un message positif sur une piste cyclable, un marquage au sol ludique, une information qui tombe au bon moment…

Mais attention : les recherches récentes montrent que ces petits coups de pouce ne fonctionnent à long terme que s’ils donnent du sens. Les incitations fondées uniquement sur le plaisir immédiat s’épuisent vite. Pour changer durablement, nous avons besoin de comprendre pourquoi nous changeons.

➡️Inserm

La véritable innovation n’est donc pas dans la séduction du geste, mais dans l’accompagnement d’une prise de conscience.

Le futur du transport ne se résume pas aux voitures autonomes ou aux applications ultra-connectées. Il se joue dans notre capacité à retrouver du désir pour des mobilités douces et partagées.

Imaginez demain : des navettes co-créées avec les citoyens, des systèmes intermodaux qui s’adaptent à vos besoins en temps réel, des trajets qui restaurent le lien social au lieu de l’épuiser. Une mobilité qui ne cherche plus seulement la performance, mais qui régénère notre qualité de vie.

Le design des transports devient alors une forme de pédagogie urbaine. Il nous apprend à nous déplacer autrement, à ressentir la ville avec attention, à retrouver du sens dans des gestes aussi simples que monter dans un bus ou attendre un métro.

Le futur du transport ne sera pas seulement technologique. Il pourra être sensoriel, émotionnel, comportemental.

Repenser le design des transports, c’est imaginer des espaces qui nous incitent à ralentir, à observer, à choisir la mobilité durable non pas par contrainte, mais par envie.

Dans cette vision, la ville devient un organisme vivant. Chaque trajet se transforme en expérience partagée, inspirée par nos usages réels, guidée par nos comportements, et habitée par ce que nous ressentons.

Et si le plus beau voyage commençait avant même d’arriver à destination ?