L’intensification des usages : une nouvelle façon de « faire de la valeur » avec les mètres carrés

Dans un contexte de ZAN et de hausse des coûts de construction, la meilleure réserve foncière dont dispose la profession est souvent… le bâti existant, trop peu utilisé. L’Intensi’Score propose une manière simple de mesurer cette sous‑utilisation et d’ouvrir la voie à des projets plus sobres, plus rentables et plus utiles aux territoires

L’Intensi’Score, c’est quoi ?

L’Intensi’Score est un outil qui mesure l’intensité d’usage d’un bâtiment sur une échelle de 0 à 5, en observant son utilisation dans la journée, la semaine, l’année. Concrètement, il repose sur un questionnaire structuré (environ 30 minutes) qui transforme un ressenti du type « ce bâtiment dort la moitié du temps » en un score objectivé, comparable dans le temps ou entre bâtiments.

Pour un opérateur immobilier, il agit tel un support de décision :

  • avant une acquisition ou une restructuration, pour comprendre le potentiel caché d’un actif ;
  • pendant la conception, pour programmer des usages plus riches ;
  • en exploitation, pour piloter une montée en puissance des  usages.

 

Un outil au service de la ville sobre

L’Intensi’Score s’inscrit dans la première boucle de l’urbanisme circulaire mise en avant par Sylvain Grisot : mieux utiliser l’existant avant de produire de nouveaux mètres carrés. L’idée est simple : l’opérateur passe à côté de valeur d’usage lorsqu’un immeuble de bureaux n’est occupé qu’aux heures de bureau et fermé le soir et le week‑end, ou lorsque le rez‑de‑chaussée d’habitat collectif restent vides. ​

L’Intensi’Score ne remplace pas les études de marché ou les bilans carbone, mais les complète : il apporte un indicateur lisible sur la performance d’usage d’un bâtiment, au même titre qu’un indicateur énergétique ou financier.​

intensi score

Les 4 clés de l’intensification des usages

Derrière le score, quatre leviers très concrets s’adressent aux opérateurs.​

Chronotopie : jouer avec le temps

La chronotopie consiste à diversifier les usages d’un bâtiment dans le temps, plutôt que de le laisser vide en dehors d’une plage très restreinte.
Pour un actif tertiaire, cela peut se concrétiser par :

  • des salles de réunion louées à des organismes de formation en soirée ;
  • un hall ou un rez‑de‑chaussée utilisé pour des événements ponctuels, des réunions d’associations, des permanences de services.​

Concernant l’habitat collectif, la chronotopie peut consister à ouvrir ponctuellement des espaces communs pour des ateliers, des services ou des animations, plutôt que de laisser une « salle commune » enfermée derrière une porte fermée à clé toute l’année.​

Mutualisation : partager plutôt que dupliquer

La mutualisation vise à partager des espaces ou équipements entre plusieurs utilisateurs ou fonctions. Quelques exemples parlants :

  • mutualiser une salle polyvalente entre un bailleur social, une mairie, une association ;
  • concevoir un parking partagé entre un immeuble de bureaux utilisé en journée et des usages de soir/nuit (habitat, loisirs, événementiel) ;
  • regrouper des locaux techniques ou des espaces support pour plusieurs bâtiments d’un même îlot.​

Pour un opérateur, la mutualisation permet ainsi de réduire la surface totale construite, tout en offrant plus de services.​

Hybridation : mélanger les fonctions

L’hybridation consiste à combiner plusieurs fonctions au sein d’un même bâtiment ou d’un même socle : logement, bureaux, commerces, santé, culture, sport, services publics… Pour un immeuble tertiaire, par exemple :

  • intégrer un tiers‑lieu ouvert au quartier au rez‑de‑chaussée ;
  • accueillir un espace de santé ou de services publics en pied d’immeuble ;
  • proposer des espaces de coworking ou de formation accessibles à d’autres publics.​

Pour l’habitat collectif, l’hybridation peut se caractériser par des locaux associatifs actifs, des micro‑crèches, des services de proximité en pied d’immeuble, ce qui augmente la fréquence et la diversité des usages.​

Réversibilité : penser les usages futurs

La réversibilité, enfin, renvoie à la capacité d’un bâtiment à changer d’usage au fil du temps, sans être « prisonnier » d’un programme unique. Cela suppose par exemple :

  • des hauteurs sous plafond suffisantes ;
  • une trame structurelle adaptable ;
  • des circulations et réseaux dimensionnés pour plusieurs scénarios (bureaux aujourd’hui, logements ou activités demain).​

L’Intensi’Score permet de tester l’impact de scénarios de transformation sur l’intensité d’usage : que se passe‑t‑il si une partie des bureaux devient du logement ou un équipement de quartier. Voir également Intensifier les usages pour des bâtiments durables et inclusifs

Quels sont les bons reflexes pour utiliser l’Intensi’Score ?

Sans entrer dans une logique d’outil « magique », quelques bonnes pratiques se dégagent pour utiliser l’Intensi’Score de manière pertinente

Intégrer l’outil tôt dans le projet
L’utiliser en amont, en phase d’esquisse ou de faisabilité, permet de questionner le programme avant de figer des surfaces qui seront ensuite difficiles à mutualiser ou à hybrider.

Associer les équipes de gestion et les futurs usagers
Les gestionnaires (property, asset, bailleurs, syndics) et les usagers finaux ont une vision fine des rythmes et des contraintes ; les associer au diagnostic évite les fausses bonnes idées et les conflits d’usage.​

Croiser Intensi’Score et données économiques
Intensifier les usages peut améliorer la valeur d’usage, mais aussi la valeur économique : loyers complémentaires, réduction de vacance, meilleure image, ancrage territorial. Croiser le score avec des hypothèses économiques est clé pour arbitrer.​

Garder un équilibre confort / intensité
L’objectif n’est pas de remplir chaque mètre carré 24h/24 ; une intensification mal pensée peut générer nuisances et rejet. L’enjeu est de trouver un niveau d’intensité « juste », acceptable pour les habitants, salariés et riverains.​

Donner une vision plus systémique aux responsables de programme

Pour les opérateurs immobiliers, l’Intensi’Score est moins un gadget qu’un changement de culture : passer d’une logique « combien je construis ? » à « comment j’utilise ce que j’ai déjà ? ». En adoptant ces approches d’intensification – chronotopie, mutualisation, hybridation, réversibilité – la profession peut répondre à la fois aux exigences réglementaires (ZAN, sobriété), aux attentes des usagers et aux impératifs économiques, tout en prenant une place centrale dans la transition vers une ville plus responsable. Cet état d’esprit, partagé et mis en pratique à chaque projet, est probablement l’un des meilleurs moyens de redonner du sens au métier de concevoir, transformer et gérer des bâtiments.

Pour en savoir plus :