Un outil fiscal au service de la solvabilité

Dans un contexte immobilier marqué par la fin des dispositifs fiscaux incitatifs comme le Pinel, la remontée des taux d’intérêt et la rigidité persistante des prix, les acteurs du secteur cherchent à diversifier les leviers de financement des acquéreurs. L’un des mécanismes émergents, remis au goût du jour par la loi de finances 2025, est celui du don. Ce nouvel usage de la donation familiale, désormais fléché vers l’achat immobilier en résidence principale, s’inscrit dans une dynamique de soutien à la demande, tant pour les particuliers que pour les opérateurs en quête de relance.

Les fondamentaux juridiques de la donation en France

La donation est un acte juridique permettant de transmettre, de son vivant, une partie de son patrimoine à un bénéficiaire, sans contrepartie. Elle peut prendre plusieurs formes, régies par des règles précises :

  • Le don familial de sommes d’argent (don TEPA, ou « don Sarkozy ») : exonéré de droits de mutation jusqu’à 31 865 €, ce don est réalisable tous les 15 ans par des ascendants (parents, grands-parents) de moins de 80 ans à un donataire majeur.
  • Le don manuel : souvent utilisé dans le cadre familial, il est exonéré à hauteur de 100 000 € pour un enfant ou 31 865 € pour un petit-enfant, et cela tous les 15 ans. Il n’est pas conditionné à l’utilisation des fonds.
  • La nouvelle donation issue de la loi de finances 2025 : elle introduit un mécanisme de don affecté, exonéré de droits jusqu’à 100 000 € par donateur, destiné exclusivement à l’acquisition ou à la rénovation énergétique d’une résidence principale. Cette disposition s’applique jusqu’au 31 décembre 2026 et vise à rediriger une part des flux intergénérationnels vers l’immobilier résidentiel.

Loi de finances 2025 : une donation encadrée, mais stratégique

Depuis le 15 février 2025, une nouvelle forme de don bénéficie d’une exonération ciblée. Elle permet à un particulier de recevoir jusqu’à 300 000 € (dans la limite de 100 000 € par donateur) pour financer l’achat d’un bien immobilier, à condition qu’il soit destiné à devenir sa résidence principale pendant au moins cinq ans.

Les conditions sont strictes :

  • Les fonds doivent être utilisés dans les six mois suivant la donation.
  • L’acte d’achat doit être signé dans les dix mois suivant le transfert des fonds.
  • La déclaration du don s’effectue via le Cerfa 2735-SD, dans un délai d’un mois après le don.

Cette mesure s’inscrit dans une logique de soutien conjoncturel, mais elle pourrait, à moyen terme, être intégrée aux stratégies commerciales des promoteurs et aux projets patrimoniaux des ménages.

Un levier pour le co-financement des acquéreurs

La principale vertu de ce mécanisme réside dans sa capacité à améliorer la solvabilité des acquéreurs. Dans un environnement bancaire plus contraint, où le seuil des 35 % d’endettement devient un filtre difficile à franchir, la donation peut faire basculer un dossier du rejet à l’acceptation. Elle peut également permettre un apport personnel plus conséquent, rendant possible l’achat d’un bien plus adapté — avec une pièce supplémentaire, un extérieur, ou une localisation plus centrale.

Ce don affecté peut ainsi jouer un rôle clé dans le déclenchement de projets immobiliers, notamment pour les primo-accédants, qui peinent à rassembler des apports suffisants malgré un niveau de revenus compatible avec les remboursements.

Vers une intégration commerciale de la donation ?

Au-delà de son usage familial traditionnel, la donation pourrait devenir un outil d’accompagnement commercial pour les promoteurs et opérateurs immobiliers. Intégrer cette solution dans le parcours de vente permettrait d’ouvrir de nouvelles perspectives :

  • Pour les promoteurs, elle peut contribuer à relancer les ventes en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement), en ciblant les ménages solvables via donation.
  • Pour les familles, elle constitue un outil de transmission non fiscalisé, orienté vers un bien tangible et sécurisé : la résidence principale.
  • Pour les investisseurs, même si l’usage locatif est exclu du dispositif, l’achat d’un bien en résidence principale hors foyer fiscal reste une piste patrimoniale viable, notamment pour les enfants majeurs ou les proches exclus du foyer.

En 2018, 18 % des ménages avaient déjà reçu une donation, avec une valeur moyenne entre 5 000 et 10 000 €. La nouvelle mesure offre une opportunité d’amplifier ces montants pour des usages clairement identifiés et bénéfiques à la fois pour le donataire et pour le marché.

immeuble neuf

Outil ponctuel ou amorce d’une tendance structurelle ?

La donation, historiquement outil de transmission patrimoniale, se positionne en 2025 comme un levier de financement à part entière. Elle pourrait être amenée à évoluer vers une intégration systématique dans les logiques d’accession à la propriété, dans un contexte de mutation des modèles de financement.

Si le dispositif actuel reste temporaire, sa possible reconduction ou son intégration dans une politique plus large de soutien à l’habitat pourrait en faire un pilier du montage immobilier. La question reste ouverte : s’agit-il d’un effet d’aubaine ou d’un changement de paradigme ? Une chose est certaine : pour les professionnels de l’immobilier, l’heure est à la réinvention.